Pour le constitutionnaliste, l’Arrêt R.Const. 1453 de la Cour constitutionnelle sur l’interdiction de tout mandat impératif confié aux députés nationaux constitue un pas en avant sur la voie de l’État de droit consacré à l’article 1 de la Constitution.
Il convient de féliciter non seulement la Cour constitutionnelle et le procureur général près cette Cour, mais aussi le président du Bureau d’âge de l’Assemblée nationale (AN), Honorable Christophe Mboso, et son avocat, Me Sylvain Lumu
En effet, l’article 101 de la Constitution stipule: “Le député national représente la Nation. Tout mandat impératif est nul”.
L’Arrêt R.Const. 1453 met à genoux le Front commun contre le Congo (FCC) qui était intervenu dans cette affaire à travers le PPPD et le RRC, deux petits partis inconnus du grand public mais que la kabilie avait créés de toutes pièces pour s’arroger une majorité au Parlement.
L’Arrêt de la Cour sanctionne également les avocats kabilistes dont il ne cite même pas les noms comme il le fait pour Me Sylvain Lumu.
Cet Arrêt confirme une fois de plus la thèse du professeur André Mbata selon laquelle tout le monde n’est pas juriste, tout juriste n’est pas constitutionnaliste et toute juriste qui s’autoproclame tel n’est pas nécessairement un bon ou un vrai constitutionnaliste.
Depuis l’alternance démocratique qui a eu lieu à l’issue des élections de décembre 2018, la RDC a vu l’émergence de nombreux charlatans ou «marchands du droit constitutionnel», notamment dans les rangs des tambourinaires et des thuriféraires du FCC.
A l’heure actuelle, la plate-forme kabiliste qui semble couler comme le Titanic et dont le capitaine semble avoir ordonné le “save-who-can” (sauve-qui-peut) général aux passagers qu’il avait embarqués et nourris pendant près de vingt ans souffre d’un manque criant de constitutionnalistes authentiques.
La preuve en est la décision de la Conférence des présidents du FCC de déposer des pétitions en vue de la déchéance des membres du Bureau d’âge lorsqu’aucune disposition légale ne le permet et que l’article 31 du Règlement intérieur (RI) invoqué
ne concerne que les membres du bureau élu.
Il en va de même de leur tentative de saisir la Cour constitutionnelle pour demander l’interprétation du RI de l’AN qui est un acte de nature législative à ne pas confondre avec la Constitution visée à l’article 161 ou pour obtenir l’annulation du communiqué de presse du directeur du cabinet présidentiel relatif à la mission d’identification d’une coalition majoritaire confiée à l’honorable Modeste Bahati Lukwebo («informateur») sur la base de l’article 78 de la Constitution comme s’il s’agissait d’une loi ou d’un acte ayant la force de loi relevant de l’article 160 de la même Constitution.
On ne peut que se réjouir que l’accession au pouvoir de Félix Tshisekedi leur ait permis d’ouvrir grandement les yeux et que même quand ils ont encore du mal à la comprendre, ils n’hésitent plus à brandir la Constitution qu’ils avaient pourtant ignorée ou violée pendant les 18 ans de règne de leur «autorité morale».
Les membres impénitents du FCC sont loin de comprendre les méandres du droit constitutionnel congolais même lorsque la Constitution utilise un français facile pour rejeter tout mandat impératif pour les parlementaires ou lorsque la Cour constitutionnelle n’utilise aucune métaphore dans l’interprétation de cette disposition constitutionnelle.
Cependant, ils ne sont pas les seuls.
Au nom de la fameuse discipline partisane, tous les “démocrates” qui dirigent nos partis – tous “démocratiques”(!) – ont tendance à dénier l’indépendance aux parlementaires qui sont aussi prompts à y renoncer pour
éviter des problèmes avec leurs chefs ou «autorités morales» de leurs partis ou regroupements politiques.
Par son Arrêt, la Cour constitutionnelle a mis fin à la dictature des «autorités morales», une notion que dans sa fraude permanente à la constitution, la Majorité présidentielle (MP) qui avait précédé le FCC avait inventée pour permettre à ses membres de surmonter l’obstacle des incompatibilités des fonctions de Président de la République et de membre du Gouvernement avec toute responsabilité au sein d’un parti politique (Art 97).
Par la suite, le terme «autorité morale» a été utilisé pour désigner tout chef de parti ou groupe politique et a séduit plusieurs partis et regroupements politiques, du pouvoir comme de l’opposition, à l’exception notable des partis comme l’UDPS.
Cependant, le président de la République et les députés nationaux sont élus par le peuple et représentent la nation (arts 69 et 101 de la Constitution). Ils ne devraient pas avoir des ‘”autorités morales”. S’ils devaient en avoir une, cette “autorité morale” ne pourrait être que le Peuple ou la Nation!
Il est déplorable que plusieurs députés nationaux continuent de l’ignorer lorsqu’ils disent attendre des instructions ou des ordres de leurs dirigeants de partis, regroupements politiques, ou de leurs «autorités morales» pour s’exprimer à l’Assemblée nationale, voter, signer une pétition ou une motion.
Pour revenir à l’Arrêt 1453, il reste encore beaucoup à faire au niveau de la Cour constitutionnelle.
Les juges ont besoin d’un armement théorique et moral solide et continu pour mieux remplir leur mission.
En autorisant chaque député national à soumettre au Bureau de l’AN une déclaration d’appartenance (à la majorité ou à l’opposition), l’Arrêt
R.Const. 1453 allait à l’encontre du RI de l’AN (art 26) qui reconnait cette compétence exclusivement aux partis et regroupements politiques et que la Cour elle-même avait déclaré conforme a la Constitution dans son Arrêt R.Const. 891 du 1 avril 2019.
Il s’agit d’un revirement de jurisprudence qui affecte certains articles du RI de l’AN.
Pour mieux faire, l’Arrêt R.Const. 1453 devait contenir des réserves et une recommandation qui pourrait conduire l’AN à modifier son RI d’autant plus que cette AN dominée par le FCC avait exclu de l’article 5 de son RI la disposition de l’article 101 de la Constitution sur la nullité du mandat impératif.
La Cour aurait pu aller plus loin en invitant l’AN à revisiter l’article 5 de son RI pour y inclure la disposition de l’article 101 de la Constitution interdisant tout mandat impératif.
Elle devrait également recommander à l’AN d’en tirer toutes les conséquences concernant la déclaration individuelle d’adhésion (à la majorité ou à l’opposition) (art 26), l’appartenance à un groupe parlementaire (art 54) ainsi que la présentation des candidatures au Bureau de l’AN (Art 27).
De toute maniere, en dépit des critiques, l’Arrêt
R.Const.1453 de la Cour clarifiant la disposition constitutionnelle interdisant tout mandat impératif mérite nos applaudissements.
Il aura contribué au développement de la jurisprudence constitutionnelle dans notre pays en conduisant la Cour constitutionnelle à combler le vide concernant le Bureau d’âge mis en place en cours de législature suite a la déchéance des membres du Bureau élus en début de législature, en clarifiant la disposition constitutionnelle sur l’interdiction du mandat impératif et en autorisant les députés nationaux pris individuellement – et non plus leurs partis ou regroupements politiques comme dans le RI – à déposer leurs déclarations politiques d’appartenance au bureau de l’AN et même à postuler.
Rendu sous sa présidence, l’Arrêt
R.Const.1453 est aussi à l’honneur de Félix Tshisekedi, ce Président de la République qui s’est engagé à œuvrer pour le triomphe de l’Etat de droit et à servir “Le Peuple d’abord” dans le cadre de l'”Union Sacrée de la Nation” qui tarde encore à
se matérialiser à cause de la tendance des politiciens à privilégier les intérêts
personnels et partisans de pouvoir et d’argent sur l’intérêt de tout un Peuple.